Quantcast
Channel: La vie en livres - mankell-henning
Viewing all articles
Browse latest Browse all 2

Mankell et le tueur qui venait de l'Est

$
0
0

Chaque nouveau livre d’Henning Mankell est désormais un événement : c'est le cas du Chinois qui paraît aujourd'hui en français (éditions du Seuil).

Henning Mankell, Le Chinois, Polar scandinave, Chine, Afrique, Mozambique, Patti Smith, Kurt Wallander, Suède,

Il a inauguré le succès planétaire d’un genre, le polar scandinave. La densité de ses personnages, la richesse de ses constructions narratives, la puissance de sa langue ont conféré ses lettres de noblesse à une forme considérée, jusque dans les années 1990, comme mineure. Face aux paradoxes destructeurs de Strindberg – entre révolte et quête de reconnaissance –, face au psychologisme bergmanien - gendre d’Ingmar Bergman, Mankell est demeuré un de ses interlocuteurs privilégiés jusqu’à la fin de sa vie – Mankell a imposé des œuvres dont l’intrigue aux multiples rebondissements soutient l’intérêt de tous les lecteurs, même les moins avertis, et dont les anti-héros sont minés de l’intérieur par les changements politiques et sociaux. Le polar scandinave s’est en effet développé après le traumatisme représenté par l’assassinat du premier ministre Olof Palme en 1986, icône du « modèle suédois », social sans révolution, égalitaire sans ostentation. Homme politique controversé, Palme avait sorti la Suède de sa neutralité par des prises de position inattendues contre la guerre du Vietnam, l’apartheid ou la prolifération des armes nucléaires. Il a été abattu en rentrant chez lui à pied, sans garde du corps, et son meurtre n’a jamais vraiment été élucidé.

 

Créé par Mankell en 1991, le commissaire Kurt Wallander, est un policier hanté – comme beaucoup de ces confrères – par l’assassinat de Palme. Toujours à la limite du désespoir, il franchit parfois les frontières du « trop », accumulant les conduites dangereuses : trop d’alcool, trop de travail et de fatigue, trop de solitude par incapacité à accepter les conformismes sociaux, même ceux qui régissent les relations entre père et fille. Sans doute est-ce une des raisons de son succès mondial : ce juste n’a rien d’un héros. Il est une figure d’identification pour tous ceux que l’évolution des démocraties occidentales préoccupe : Wallander croit encore en la nécessité de la lutte contre la violence et au refus des compromis. C’est en accablant son héros du mal le plus caractéristique de notre époque marquée par la perte des repères, la maladie d’Alzheimer, que Mankell a clos le cycle Wallander, désormais disponible en « intégrale » dans la collection Opus aux éditions du Seuil.

Henning Mankell a fait disparaître Wallander sans états d’âme : il se sentait enchaîné à ce personnage, voué à la récurrence, alors qu’il n’aspire qu’à l’ouverture vers d’autres figures, également atteintes par l’âge et la désillusion, comme le médecin reclus dans son île, personnage principal des Chaussures italiennes. Ses héros ne résistent pas au désir de comprendre comme une forme de résistance.

 

C’est le cas de Birgitta Roslin, la femme juge, héroïne du Chinois. Elle se pose beaucoup de questions, sur son métier, sur son couple, sur les idéaux qui ont fait vibrer sa jeunesse. Elle choisit d'utiliser un temps où elle se retrouve comme entre parenthèses de sa propre vie pour se placer au cœur d'une intrigue policière dont les ramifications se révèlent internationales.

Henning Mankell vit entre la Suède et le Mozambique. Il se dit souvent plus intéressé par l’œuvre qu’il mène en Afrique (SOS Children’s Villages ou son action au Teatro Avenida à Maputo) que par la sortie de son dernier opus. Le présent et l’avenir du monde le concernent de manière directe, et il n’hésite pas à remonter vers le passé pour les décrypter.

L’intrigue du Chinois commence dans un village suédois, puis conduit le lecteur jusqu’au milieu du XIX° siècle, quand les Etats-Unis se construisaient à grand coup d’immigration, forcée pour ceux qui ne trouvaient pas dans leurs pays de quoi se nourrir : c’était alors le cas de la Suède tout autant que de la Chine. L’histoire se poursuit à Stockholm, mais aussi dans le Pékin d’aujourd’hui et en Afrique : pour résoudre des meurtres effroyables commis dans le nord de la Suède, il faut désormais parcourir la planète, remonter loin dans le temps, creuser profond dans la compréhension des équilibres mondiaux. Mankell va jusqu’à décrire une réunion hallucinante des dirigeants du Parti communiste chinois, pendant l’hiver 2006, dont les conclusions ont bouleversé la destinée de certains pays africains.

« Depuis quelque temps, je suis effrayé de voir comment les Chinois se comportent en Afrique, avait annoncé Mankell dans un entretien donné au Nouvel Observateur en 2008. Ils me font l’effet de nouveaux colonisateurs, ce qui m’est d’autant plus pénible que j’ai grandi dans l’idée que la Chine aidait les pays africains à se libérer. Et si j’ai écrit ce livre, c’est parce que sur ces agissements je sais des choses que l’on ignore généralement. »

Paru tenu, comme pourront en juger les lecteurs du Chinois !

 

"I don't know why but when I got off the plane in Africa, I had a curious feeling of coming home.""Je ne sais pas pourquoi, mais quand je sors de l’avion en Afrique, j’ai la curieuse sensation de rentrer à la maison". C’est une des phrases que l’on trouve sur le site « officiel » d’Henning Mankell. Entre autres pépites, il recèle un lien vers un entretien entre Henning Mankell et Patti Smith (en anglais, à la fin de Babel, émission culturelle de la télévision suédoise (à partir du time code 45 (à 45 minutes du début)) Ne le manquez surtout pas !


Viewing all articles
Browse latest Browse all 2

Latest Images

Trending Articles



Latest Images